Combien de fois avez-vous entendu cette phrase : « Ah tu pars vivre en Allemagne ? Mais tu parles allemand au moins ? » Comme si partir à l’étranger sans maîtriser parfaitement la langue locale était un acte de folie pure. Spoiler alert : c’est faux.
Le mythe du « il faut d’abord apprendre la langue »
Cette idée reçue a la peau dure. Dans l’imaginaire collectif, s’expatrier sans parler couramment la langue du pays d’accueil relève de l’inconscience. Pourtant, la réalité est bien différente. Combien de Français partent chaque année avec des bases fragiles, voire inexistantes, dans la langue locale ? Et combien s’en sortent parfaitement bien ?
La vérité, c’est que cette barrière linguistique fantasmée empêche probablement plus de personnes de franchir le pas qu’elle ne devrait. Car oui, on peut très bien commencer une nouvelle vie à l’étranger en apprenant sur le terrain.
L’immersion, meilleure école que tous les manuels
Demandez à n’importe quel expatrié : les six premiers mois d’immersion valent des années de cours du soir. Quand vous devez commander votre café le matin, demander votre chemin, négocier votre contrat de téléphone ou simplement faire vos courses, l’apprentissage devient urgent, concret, émotionnel.
Contrairement aux cours traditionnels où l’on apprend que « la chaise est sur la table », sur place vous apprenez directement ce dont vous avez besoin : « Excusez-moi, où se trouve le rayon surgelés ? », « Pouvez-vous répéter plus lentement ? », « Je ne comprends pas ce document administratif ».
Cette nécessité quotidienne crée une motivation bien plus puissante que n’importe quelle méthode ou leçon lu dans un livre. Votre cerveau comprend que c’est une question de survie sociale, et il s’adapte remarquablement vite.
Les communautés françaises : un filet de sécurité bienvenu
Contrairement aux idées reçues, s’appuyer sur la communauté française locale n’est pas un signe de « mauvaise intégration ». C’est même plutôt malin. Ces compatriotes expatriés depuis plus longtemps deviennent vos guides, vos traducteurs occasionnels, vos conseillers pour toutes les démarches administratives kafkaïennes.
Dans presque toutes les grandes villes du monde, vous trouverez :
- Des groupes Facebook d’entraide entre Français
- Des associations françaises ou francophones
- Des commerces tenus par des compatriotes
- Des événements communautaires
Ces réseaux vous permettent de souffler entre deux sessions intensives d’apprentissage linguistique. Ils vous offrent aussi une perspective unique : celle de Français qui ont traversé exactement les mêmes galères que vous.
Bien sûr, quelques bases font la différence
Ne nous mentons pas : partir avec quelques notions de base, c’est un plus indéniable. Connaître les formules de politesse, savoir dire « je ne parle pas bien le japonais mais j’apprends », pouvoir demander de l’aide… Ces petits atouts facilitent grandement les premiers mois.
Mais « quelques bases » ne veut pas dire « niveau avancé ». Même un niveau A2 peut suffire pour commencer sereinement l’aventure. L’important n’est pas de maîtriser, mais d’avoir l’humilité d’apprendre et la curiosité de s’immerger.
Les langages universels existent
Et puis, il y a tous ces moments où la langue devient secondaire. Le sourire est universel. La gestuelle peut sauver bien des situations. L’empathie se passe de mots. Combien d’expatriés racontent ces moments magiques où, malgré la barrière linguistique, ils ont créé des liens authentiques avec leurs voisins, leurs collègues, les commerçants du quartier ? Ou juste commencer une histoire amoureuse.
Sans compter que l’anglais, même approximatif, reste un moyen de communication dans de nombreux pays. Et que les applications de traduction instantanée font des miracles pour les démarches complexes.
Se libérer du complexe français
Il faut le dire : en France, on a un rapport compliqué aux langues étrangères. Combien d’entre nous ont déjà été moqués pour leur accent anglais en cours ou entre amis ? « Oh regarde, il se la raconte avec son accent américain ! » Cette petite phrase assassine, entendue des milliers de fois, crée un blocage psychologique énorme.
Résultat : les Français ont la réputation d’être nuls en langues, pas par manque de capacités, mais par peur du jugement. On préfère se taire plutôt que de risquer les regards moqueurs ou les remarques sarcastiques sur notre « accent de Brive-la-Gaillarde ».
Mais voilà le miracle de l’expatriation : une fois sorti de ce carcan social français, ce complexe s’évapore. À l’étranger, personne ne vous juge sur votre accent. Au contraire, on vous félicite d’essayer ! Votre interlocuteur japonais, allemand ou brésilien trouve admirable que vous fassiez l’effort de parler sa langue, même imparfaitement. Cette bienveillance libère une énergie linguistique insoupçonnée.
L’effet boule de neige de la confiance
Une fois les premières semaines passées, une spirale positive se met en place. Chaque petite victoire linguistique booste la confiance. Réussir à expliquer un problème technique au plombier, comprendre une blague de collègue, suivre un film local sans sous-titres… Ces micro-succès accumulent et accélèrent l’apprentissage de façon exponentielle.
L’urgence et l’émotion créent des ancrages mémoriels bien plus forts que la répétition mécanique. Vous n’oublierez jamais le mot que vous avez appris lors de votre premier rendez-vous chez le médecin local.
Et puis arrive ce phénomène fascinant que vivent tous les expatriés de longue durée : ces moments où vous cherchez le mot français… et ne le trouvez pas. Parce que vous avez appris ce concept, cette expression, cette réalité directement dans votre pays d’adoption. Essayez donc d’expliquer en français ce qu’est un « gap year » australien ou un « hygge » danois ! Votre cerveau a intégré ces notions dans leur langue d’origine, et la traduction semble artificielle.
Le conseil des « anciens »
Si vous interrogez des expatriés installés depuis plusieurs années, la plupart vous diront la même chose : « J’aurais dû partir plus tôt, sans attendre d’être ‘prêt’ linguistiquement. » Car être prêt à 100%, ça n’existe pas. Et le perfectionnisme peut devenir le meilleur ennemi de l’aventure.
Alors oui, travaillez votre accent avant de partir si ça vous rassure. Apprenez les bases par politesse et praticité. Mais ne laissez jamais la peur de mal parler vous empêcher de bien vivre.
L’expatriation, c’est accepter d’être débutant dans sa propre vie. Et finalement, commencer une nouvelle langue en même temps qu’une nouvelle vie, c’est plutôt cohérent, non ?
Dans nos prochains article, nous explerons la notion d’identité. « Alors le British, on est de retour ? »